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1 mai 2012 2 01 /05 /mai /2012 09:43

La période de l'entre-deux guerres mondiales fut appelée par les historiens "La belle époque". Pour l'entre-deux tours de l'élection présidentielle française, ils pourraient réadapter le slogan par "la belle arnaque". Au lieu de saisir l'occasion de montrer quelle société voulons-nous et de se demander d'où provient le malheur pour s'en guérir, la France fonce tête baissée sans voir s'il y a un mur en face ou non. Nombre de gens sont dans la panade, ils galèrent pour vivre dans le cinquième pays le plus riche du monde, et ils votent avec les oeillères pour ceux qui les affameront encore et encore.

           

1. Le monde merveilleux du Capital.

 

            Le vote a toujours été l'instrument des puissants pour asservir les faibles. Dans la constitution de 1958 (1), le socle juridique est cimenté de manière à ce que ne soient élus que les partisans de l'économie de marché capitaliste : le premier tour des élections présidentielles donne l'impression de choisir démocratiquement son gouvernant, le second tour après élimination des têtes non souhaitables au Capital, laisse le choix entre une pomme pourrie (UMP) ou une pomme verreuse (PS). La dernière échéance électorale l'a bien montré. J'attendais un sursaut populaire que je n'aurais pu suivre que sur internet, étant à quinze mille kilomètres de la France. J'attendais une armée de petits bras et poings levés, unis pour soulever des montagnes sous les couleurs du Front de Gauche ou bien sous la simple bannière de l'intelligence, du bon sens et du bien commun. J'attendais l'abolition de la cinquième constitution, verrouillée, sclérosée, monarchie bananière déguisée en république démocratique. Et puis d'un coup tout s'effondre, l'espoir distillé depuis des semaines s'évapore en gaz toxique : les néolibéraux ont gagné l'élection et leurs acolytes nationalistes profanateurs de la haine gagnent encore du terrain.

 

            Depuis 2011, les vainqueurs des guerres du passé s'attaquent à l'économie mondiale. Une poignée d'entreprises contrôlent 80% du capital mondial, leur objectif est de tout posséder. Quelques grands spéculateurs ont déclaré la guerre aux peuples en 2011 pour acquérir les 20 autres pourcents, ceux que possèdent les pays occidentaux. Il y a un nom derrière cette poignée. Et puis un autre. Et puis encore un. On ne pourrait retenir qu'un nom, celui de Goldman Sachs, puissante multinationale qui agit dans l'ombre en plaçant ses rejetons à la tête des institutions publiques européennes (BCE, Italie, Grèce). Notons aussi les agences de notation de S&P à Moody's, qui s'arrogent le droit d'être supérieurs aux Etats et leur gouvernements fantoches en décidant arbitrairement qui peut emprunter, qui ne peut pas. Il y a une dette publique constituée d'anciennes dettes privées (celle des banques de 2008 que les Etats ont racheté à 2%) qui n'a jamais été remboursée par les banques. Une Banque Centrale Européenne qui s'interdit de prêter à ses Etats (ses propres contributeurs) et qui les oblige à faire des emprunts à 20% sur les marchés financiers, ou au FMI en échange de programmes d'austérité pour "guérir" les nouvelles dettes illégitimes (plans de rigueur, relâchement de la présence de l'Etat dans l'économie, ce qui favorise les privatisations et les entreprises privées).

            Il y a, enfin et surtout, une idéologie criminelle qui aliène les gens par le travail, les rend serviles par sa propagande, un Empire qui divise des esclaves contre des maîtres. Ce monde est vraiment étrange : on parle de progrès de l'Humanité au moment même où celle-ci se délabre et plonge de manière consentie dans un tel obscurrantisme qu'il faudra des dizaines d'années, peut-être plusieurs siècles pour qu'elle renaisse de ses cendres et répare le mal qui a été fait.

 

            Tout un cortège de possédants très puissants reçoivent les cirages de pompes et les serments d'allégeance des gouvernants politiques. Comme ils sont très serviables, en tant que rois loyaux envers leurs bons serviteurs, les possédants leurs donnent quelques bons émoluments : ils financent les partis politiques, ils les aident à se faire (ré)élire, ils font pression sur les parlements et investissent les médias pour leur donner une bonne image auprès du Tiers-état roturier. En retour, les gouvernants politiques drapés de légitimité doivent abandonner la gestion des affaires publiques, et sacrifier la population en la laissant mourir de misère ou de chômage à petit feu. Et une fois que la population consacre toute sa pensée à se demander comment  elle va manger les prochains jours, il suffit aux conquérants du pouvoir politique de leur dire qu'ils mangeront s'ils travaillent un peu plus. Ceux qui voient les médias dominants comme des lignes directrices de leur vie gobent des couleuvres à longueur de journaux télévisés. Prenons du recul sur ce que l'on entend, réfléchissons et cessons d'écouter ceux qui affirment des énormités. A force de croire que l'immigré est un danger pour la Nation, ou bien que le chômeur est la cause de la récession, ils pourront bientôt faire croire sans honte qu'on peut verser deux litres d'eau dans une bouteille d'un litre! Les Hommes politiques le savent, c'est pour cela qu'ils en jouent à coups d'éléments de langage, de manipulation lorsque leur bouche approche le micro.

 

            Ils divisent les Hommes pour dilapider tout lien social, toute solidarité. Pour que chaque Être se trouve au pied du mur et soit corvéable à la merci de ses dominants. On place l'un contre l'autre, l'immigré contre le natif, le chômeur contre le travailleur, ils font la parade de discours en discours inspirés de Phillippe Pétain en reprenant textuellement des phrases prononcées en 1940-1941 (la fête du Vrai Travail annoncée par N.S pour le 1er mai, est le slogan d'une affiche de propagande pour le régime de Vichy en 1941). Tout cela pour apeurer la gauche et draguer l'électeur du FN. Plus c'est gros plus ça passe, et cela fonctionne puisque les votes nationalistes et racistes s'amoncèlent dans les urnes. Cela confére la légitimité que les Hommes politiques ont besoin afin de cirer les pompes des entreprises multinationales et autres institutions bancaires. Ainsi, faisant fi des revendications sociales du peuple, le pouvoir impérial élimine les autres prétendants au trône par sa propagande acerbe et soigne ses ouailles élues avant l'heure. François Hollande est loin de fâcher la finance, Nicolas Sarkozy rend au fascisme l'aura qu'il avait dans les années 1930-1940. Si l'on croit à ce raisonnement, les candidats du second tour ont été indirectement choisis il y a déjà bien longtemps par ceux qui rendent le peuple aveugle, sourd et muet.

 

2. Le Grand Soir, c'est pour quand ?

 

            Alors pourquoi et pour qui voter ? Ce n'est pas qu'une question de battre la gauche ou la droite. La tentation fasciste et xénophobe n'est pas une question de convictions, elle est un rouleau compresseur qui se déploie sur le marché pour les entreprises en temps de "crise". Voici mon sentiment : faire élire François Hollande à la présidence est un instrument pour la finance de colmater les brèches de sa barque. Comme le Parti Socialiste mènera la même politique néolibérale que l'UMP depuis 2007, les gens se diront déçus de "la gauche" et iront manifester pour quelques euros de plus sur leur fiche de paie, et exclusivement contre F. Hollande. Sans voir que l'objet de leur tourment est ailleurs. Encore cinq ans de frustration relative du peuple, et celui-ci ira voter en masse pour la droite réactionnaire de J-F Copé ou pour le même clan Sarkozy en 2017, soit un investissement de long terme de la finance, un plan du Capital sur dix ans.

           

            Nous avions un J-L Mélenchon qui défraya la chronique en séduisant jusqu'à 17% des électeurs selon certains sondages non fiables. Avec l'affluence de ses meetings, son verbe, sa compétence d'orateur hors pair, son humour et son sens du bien commun, le candidat du Front de Gauche a largement réhaussé le niveau du débat politique dans cette campagne électorale. Il y avait même de quoi croire qu'il pourrait être un danger pour l'élite financière.

            On a failli croire aux lueurs d'un Grand Soir citoyen, du moins d'une présence de la vraie gauche au second tour. De sondages en sondages, J-L Mélenchon passait de 7% à 15%, parfois même 17%. Et c'est 11,7% qu'on enregistre officiellement. Y a-t-il encore des drapeaux rouges et des foulards noirs pour exciter la plèbe et faire trésaillir les coeurs d'espoir ? Sa défaite laisse une autoroute au Capital qui prolonge son bail sur la France d'au moins cinq ans, sauf insurrection urbaine, sans que personne ne s'en rende compte. Il faut dire aussi que les français ont peut-être bien ce qu'ils méritent. Ils sont comme des junkies en manque : on leur vend de la poudre aux yeux, de la propagande la plus indigeste à boire, et les électeurs l'avalent. Le pire, c'est qu'en plus ils en redemandent. Nicolas Sarkozy est un peu comme un dealer qui vend de la cocaïne à des gamins : il rend ses clients serviles avec ses doses de propagande, de telle sorte qu'ils se plaignent d'un mal-être énorme. Comme ils ont l'esprit détourné, ils pensent qu'ils sont en manque. Puis comme ces pauvres gamins ont peur que leur manque empire, ils vont revoir le dealer pour augmenter les doses. A terme, cela les tue mais ils continuent d'aduler leur bourreau. Alors, que la foule de gens qui ont voté Nicolas Sarkozy et François Hollande n'aillent pas dire en manifestations dans la rue qu'ils veulent conserver leurs droits sociaux (retraites, emploi, éducation, etc), ils étaient déjà au courant depuis 2007 et ce gouvernement de boutiquiers.

 

            Je ne sais pas si Robespierre sourit à son bourreau sur l'échaffaud un jour de 1794, j'en doute. Plus que de lui sourire, la France ricane devant la lame de la guillotine et dit à ses tueurs : "Je t'en prie, je suis une putain des bas quartiers et j'aime avoir mal, offre moi une mort lente et douloureuse, fais moi souffrir à petit feu et je t'aguicherai davantage". C'est assez affligeant de voir à quel point la France est une inconsciente qui prend du plaisir à se faire violer. Il y a du savoir-faire, des ressources naturelles, des matières premières, de l'industrie, du tourisme, une population dynamique et assez jeune qui se renouvelle, il y a tout pour innover, des territoires très attractifs, des conquêtes sociales à protéger...ce pays, cinquième au rang mondial des compétiteurs de PIB, n'a jamais été aussi riche que maintenant et a tout pour s'auto-suffire! Et pourtant, la majorité s'en va voter contre son intérêt.

 

            Il y a des choses que les possédants du Capital ne peuvent supprimer et qu'elles aimeraient toucher du doigt : le droit d'expression (vote, manifestation, pétition), la grève, les syndicats, le droit du travail. De temps en temps, il y a des ennemis (de gauche) de ce système qui se glissent dans l'arène électorale qu'ils avaient pourtant bâtie rien que pour eux. Tous les cinq ans, on demande l'avis du peuple et c'est une des seules choses qu'ils (les financiers) ne peuvent supprimer pour le moment. C'est donc leur problème majeur car si les gens ouvrent les yeux, ils seront éblouis par tant d'injustice et voudront reprendre leur pouvoir volé. Et nous avions une bonne raison, plus que jamais, en 2012 pour chasser ces rois au chevet du capital et de retrouver notre droit de décision sur les choses. Ce droit, s'appelle souveraineté populaire, et veut qu'un électeur libre et égal en droit, soit directement ou non détenteur du pouvoir. C'est ce que les grecs nommèrent par démocratie il y a 2500 ans. De plus en plus d'actifs (travailleurs et chômeurs) et de non-actifs (étudiants, retraités) sont dans la galère des mauvais jours. Ils ont perdu leur emploi, d'autres n'en ont pas trouvé. Ils ont travaillé toute leur vie et n'ont qu'une misère pour retraite et doivent passer la fin de vie dans le stress au lieu d'avoir un repos bien mérité, de profiter avant la mort. Ils sont en train d'apprendre les notions pour diriger ou commander les rênes de la société à l'université, mais ils savent en apprenant pour leurs partiels, qu'ils sont condamnés à faire des jobs de misère sous-payés. Dans le même temps, 75% des suffrages exprimés sont envoyés pour les artisans de leur misère (PS, UMP, FN). La France est une belle femme masochiste qui se fait violer brutalement par des ventripotents capitalistes, qui en plus lui dérobent son portefeuille après s'être soulagés les organes génitaux. Mais elle continue de sourire à ses gros porcs de criminels en leurs disant "encore".

 

            De la même manière qu'un ouvrier pleure son emploi lorsqu'un actionnaire sourit, la Bourse sabrera le champagne le soir du 6 mai 2012, tandis que la condition des classes dominées aura une sale gueule de bois. La consolation de cette histoire, est peut-être qu'au moins, les gens savent maintenant qu'on peut répliquer au néolibéralisme par le socialisme au Front de Gauche. Ils savent aussi qu'une partie de la population française ne se laissera jamais soumettre aux vautours et aux charognards, à la vermine du "Nouvel Ordre Mondial". Cette force en mouvement, la troisième-quatrième du paysage politique, ne gagne pas les élections dans l'arène politique, mais elle est comme un refuge de montagne à l'abri des loups, pour ceux qui voudraient goûter à ces idées de justice sociale, de liberté, d'amour, de socialisme, de lutte sociale et de Résistance.

 

Samuel Moleaud.

1er Mai 2012, Vrai jour de la Vraie Fête du Vrai Travail.

http://sam-articles.over-blog.com     

 

(1) La France fait la morale et la guerre aux monarques antilibéraux qui gouvernent les pays d'Afrique du Nord depuis trente ou quarante ans, mais oublie qu'elle n'a pas changé de régime depuis 1958, soit cinquante-quatre ans de pouvoir au service de la bourgeoisie.

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commentaires

M
<br /> 1°) "La belle époque" c'est celle qui précède la Ière Guerre Mondiale. L'Entre deux guerres, ce sont "les années folles".<br /> <br /> <br /> 2°) Au premier tour on choisit, au deuxième, on élimine. Telle est la règle du jeu dans cette constitution à la noix.<br /> <br /> <br /> 3°) Aucune illusion sur la magie du résultat. Mais, je dois avouer que la seule idée de voir N.S. reconduit dans ses fonctions constituerait un abattement pour la classe ouvrière. Alors que le<br /> contraire, pourrait l'inciter à intensifier ses luttes. C'est ce qu'il s'est produit au moment du Front Populaire.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> 4°) Le 6 mai n'est pas une fin, c'est un début. A condition que nous le voulions.<br />
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